Crédits carbone volontaires : qui les achète ?

Un acheteur peut dépenser plusieurs millions d’euros en crédits carbone volontaires sans obligation légale. Chaque année, des entreprises du CAC 40 côtoient des start-up ou des clubs sportifs sur ce marché fragmenté. Selon les registres de transaction, la majorité des volumes échangés provient de secteurs fortement émetteurs, mais des industries inattendues s’y invitent aussi. Le profil des acheteurs évolue, marqué par la montée en puissance d’acteurs privés non industriels. L’hétérogénéité des motivations, des volumes et des stratégies caractérise désormais ce marché aux contours mouvants.

Comprendre le marché des crédits carbone volontaires : origines et principes

Le marché volontaire du carbone se développe à côté du marché réglementé, avec une logique résolument différente. Ici, pas de cadre imposé : chacun agit de sa propre initiative. Entreprises, collectivités, acteurs institutionnels ou investisseurs privés achètent des crédits carbone pour compenser une part de leurs émissions de gaz à effet de serre.

Au centre de cette économie, des projets de réduction ou de séquestration d’émissions se multiplient. Pour mieux s’y retrouver, il faut distinguer deux grandes catégories, que voici :

  • Projets d’évitement : énergies renouvelables, efficacité énergétique, gestion des déchets
  • Projets de séquestration : reforestation, agriculture bas carbone, restauration de zones humides

À chaque crédit correspond une tonne de CO₂ évitée ou stockée. Mais tout ne se vaut pas. Afin d’assurer la traçabilité et la fiabilité des démarches, des labels de compensation carbone comme le Verified Carbon Standard ou le Label Bas-Carbone en France vérifient et encadrent la certification des projets.

Côté tarifs, les prix des crédits carbone volontaires s’étalent sur une large fourchette. Plusieurs facteurs entrent en jeu : contexte local, qualité du projet, niveau d’exigence des labels, zone géographique. Un projet forestier français n’aura pas le même coût qu’une action menée en Afrique subsaharienne.

Aujourd’hui, deux moteurs font tourner la machine : la volonté d’agir pour l’environnement et l’intérêt à valoriser son engagement climatique. Les acteurs du marché volontaire carbone évoluent entre recherche de crédibilité et opportunités de communication, dans un environnement où la demande progresse mais où la confiance demeure le nerf de la guerre.

Qui sont les acheteurs de crédits carbone volontaires aujourd’hui ?

Le marché volontaire du carbone attire une palette d’acteurs bien plus large qu’on ne l’imagine souvent. Le cercle principal rassemble les entreprises, du CAC 40 à la start-up de la tech, en passant par des PME dynamiques ou des groupes du secteur des services. Pour ces sociétés, acheter des crédits carbone devient un levier pour maîtriser leur empreinte carbone et participer à la neutralité. Pression réglementaire, attentes des clients, exigences des investisseurs : les motivations convergent. Dans la pratique, ce sont souvent les directions RSE, communication ou achats qui pilotent la démarche, intégrée au bilan carbone ou à la stratégie « net zéro ».

À côté de ces entreprises, de nouveaux profils s’illustrent. Les collectivités locales, villes, métropoles, régions, s’engagent pour améliorer leur image et démontrer leur soutien à des projets de séquestration ou de réduction d’émissions. Paris, Lyon ou Bordeaux multiplient les expérimentations pour embarquer les habitants et dynamiser leurs territoires.

Certains fonds d’investissement flairent aussi l’opportunité : ils diversifient leurs actifs et misent sur la valorisation « verte ». Plus discrètes, des associations environnementales et ONG optent parfois pour l’achat de crédits carbone afin de soutenir leurs propres actions ou de financer des projets jugés pertinents.

Pour mieux cerner qui compose ce marché, voici les principales catégories d’acheteurs :

  • Entreprises : industrie, secteur technologique, services, distribution
  • Collectivités : villes, territoires, intercommunalités
  • Investisseurs : fonds spécialisés, family offices
  • ONG : soutien à la contribution carbone volontaire

Les profils se diversifient : certains préfèrent des achats directs, d’autres passent par des intermédiaires ou des plateformes spécialisées. Le volontariat reste le principe, même si l’influence grandissante des standards internationaux structure peu à peu les pratiques du secteur.

Motivations et stratégies derrière l’achat de crédits carbone

La neutralité carbone s’affiche partout, parfois au risque de l’affichage, mais rarement sans raison. Les entreprises, scrutées par les investisseurs et par des consommateurs de plus en plus exigeants, cherchent à limiter leur empreinte carbone. Acheter des crédits carbone volontaires constitue alors un moyen concret de compenser ce qui ne peut être réduit immédiatement.

Les stratégies sont variées. Certaines sociétés ne jurent que par des projets de contribution carbone porteurs d’impact, avec une attention particulière à la traçabilité et aux labels (Verified Carbon Standard, Label Bas Carbone). D’autres élargissent leur approche, diversifiant entre initiatives locales et internationales, ou en soutenant des projets innovants, sous l’œil de l’Integrity Council ou de la Science Based Targets initiative.

Le cadre réglementaire prend de plus en plus de place. L’évolution du droit européen et la montée des exigences en matière de reporting extra-financier accélèrent la demande. Mais la réputation, la différenciation, voire la capacité à attirer des talents ou à remporter des marchés restent des facteurs déterminants : afficher une politique ambitieuse de compensation carbone volontaire peut faire la différence.

Les principales motivations rencontrées sur ce marché sont les suivantes :

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre
  • Contribution à la neutralité carbone
  • Valorisation des engagements RSE
  • Anticipation des évolutions réglementaires

Désormais, la compensation carbone volontaire ne se limite plus à un simple vernis. Elle s’intègre dans une stratégie globale, à la croisée de la gestion du risque, de l’anticipation réglementaire et de la transformation des modèles économiques.

Ouvrier forestier souriant près d

Défis, limites et perspectives pour la compensation volontaire

La compensation carbone volontaire avance, mais le chemin reste semé d’embûches. Trois préoccupations dominent : transparence, intégrité, additionnalité. Le secteur réclame des preuves solides. Comment s’assurer que chaque tonne de CO₂ évitée ou stockée n’aurait pas disparu sans le financement du projet ? Le débat sur l’additionnalité agite régulièrement le marché.

L’absence d’harmonisation entre les labels de compensation carbone, Bas Carbone en France, Verified Carbon Standard à l’international, complique la lecture et l’évaluation des projets. L’ICVCM (Integrity Council for the Voluntary Carbon Market) tente d’apporter plus de clarté, mais le secteur reste très fragmenté. Quant à la permanence des projets, soit leur capacité à garantir durablement le stockage du carbone, elle soulève des questions, en particulier pour les initiatives forestières.

Autre frein : le prix des crédits carbone. Les écarts sont notables, allant de quelques euros la tonne pour certains projets forestiers à plusieurs dizaines d’euros pour des solutions technologiques plus complexes. Cette volatilité pèse sur la structuration du secteur, d’autant que l’absence d’un référentiel commun, comme celui inspiré de l’Article 6.4 de l’Accord de Paris, alimente l’incertitude.

Demain, la donne pourrait changer. L’exigence monte, portée par la France et l’Europe, pour garantir l’intégrité environnementale et sociale des projets. Anticiper les nouvelles règles devient un enjeu majeur. Le marché volontaire du carbone s’oriente vers plus de professionnalisation et s’apprête à cohabiter, de façon plus structurée, avec les dispositifs réglementaires de la lutte contre le changement climatique.

Au bout du compte, le marché des crédits carbone volontaires ressemble à un laboratoire en mouvement, où chaque acteur compose avec exigences montantes, complexité technique et nécessité de bâtir une confiance partagée. Reste à voir si ce pari collectif transformera durablement la façon dont on pense et dont on finance la transition bas carbone.

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